ARISTÉNÈTE: Lettres d’amours (I, 13), è riportata solo la traduzione francese

13. Un fils aimait la maîtresse de son père. Un médecin découvrit son amour, aidé par le hasard plutôt que par la science, et méthodiquement persuade le père de céder sa maîtresse à son fils1 .

Eutychoboulos à Akestodôros.

Après beaucoup de temps, cher ami, j'ai appris également ceci: toutes les sciences ont besoin de la bonnefortune et la bonne-fortune est aidée par le savoir. En effet les sciences n’aboutissent à rien sans le secours de la divinité et la bonne-fortune trouve des occasions plus favorables lorsqu'elle se livre aux connaisseurs. Mais ce préambule est un peu long, je le sais, et pour qui désire être plus rapidement renseigné2 je dirai immédiatement ce qui est arrivé, sans tarder davantage.
Chariclès, le fils de 1'excellent Polyclès, gardait le lit, malade d'amour pour la maîtresse de son père: physiquement il prétextait une vague souffrance, mais en réalité c'était une maladie de l'âme qui était en cause. Alors son père, qui était un bon père, aimant beaucoup son enfant, appelle tout de suite Panacios, médecin méritant bien son nom3 . Celui-ci appliqua ses doigts sur le pouls, puis sa science lui fît donner 1'essor à son esprit; il montra par ses regards I'agitation de la pensée cherchant le diagnostic; mais il ne remarquait absolument aucune affection connue des médecins. Longtemps ce médecin si renommé resta impuissant. Or la femme que désirait le jeune homme vint à passer près de celui-ci, dont le pouls se dérégla et bondit violemment; son regard paraissait troubIé et son visage n'était pas en meilleur état que son poignet. Alors Panacios détermina la maladie de deux façons: ce qu'il n’avait pas trouvé directement par sa science il l'obtenait plutôt de la bonne-fortune et ce que lui avait accordé la providence il le réservait par son silence à un moment propice. Voilà quel était le premier type d'investigation qui le guidait. Revenant par la suite, il ordonna à toutes les filles ou femmes de la maison de s'approcher du malade, non pas toutes à la fois, mais une à une et séparées l'une de l'autre par un court intervalle. Durant ce défilé le médecin examinait, en posant ses doigts; dessus, l'artère radiale du poignet, indicateur exact pour les enfants d'Asclépios et interprète infaillible de nos états de santé. Celui que sa passion clouait au lit restait impassible en face des autres fernmes, mais, lorsqu'apparut la maîtresse de son père dont il ètait amoureux, aussitôt son regard et son pouls redevinrent ceux d'un autre homme. Alors l'habile et si chanceux médecin voyait en lui-même se confirmer le diagnostic de la maladie, et il proclama que le troisième coup serait le bon. Sous prétexte que cette affection nécessitait des médicaments qu'il devait préparer, il se retira en promettant de les apporter le lendemain; en même temps il rassurait le malade en lui donnant les meilleurs espoirs et il calmait les inquiétudes de son père. Il revint au jour dit: le père et toute la famille l'appelaient leur sauveur et s'empressaient de lui faire fête. Mais il se récria d'une voix coléreuse et, en les rabrouant, il renonça à poursuivre son traitement. A peine eut-il entendu ce refus, Polyclès en demanda la raison au médecin, mais celui-ci s'emporta en criant plus fort et décida de partir au plus vite. Le père se mit à le supplier encore plus instamment: il lui embrassait la poitrine, lui prenait les genoux. Alors celui-ci, comme s'il y était bien forcé, et toujours en colère, lui expliqua ses raisons: „Ton fils est follement amoureux de ma femme; il brûle à son égard d'une passion criminelle4. Désormais je suis jaloux de cet individu et je ne supporte plus de le voir menaçant de me tromper". Polyclès fut rempli de honte en apprenant quelle était la maladie de son fils5 et il rougissait devant Panacios, mais, obéissant à une loi bien naturelle, il n'hésita pas à supplier le médecin à propos de sa femme, en disant que dans cette affaire il s'agissait d'un sauvetage obligatoire et non pas d'un adultère. Polyclès n'avait pas terminé sa requête que Panacios se récriait violemment5 : il déclarait (ce qu'il était bien normal d'exprimer pour un homme odieusement traité) qu'on transformait une personne appelée comme médecin en souteneur et qu'on lui demandait de contribuer à l'adultère de sa propre épouse (il employait peut-être des termes moins vifs). Comme Polyclès insistait de nouveau en suppliant son partenaire et comme de nouveau il prétendait qu'il s'agissait d'un sauvetage et non d'un adultère, le subtil médecin, réalisant l'événement comme il l'avait imaginé, demanda à Polyclès: „Eh quoi, par Zeus, si ton fils aimait ta maîtresse, aurais-tu le courage de la livrer aux désirs du garçon?" L'autre répondit: „Bien sûr, par Zeus!" Alors le sage Panacios lui dit: „Eh bien, Polyclès, adresse à toi-même tes prières et console-toi comme il convient. En effet c'est ta maîtresse qu'il aime. S'il était légitime de livrer mon épouse au premier venu pour sauver ce dernier, Comme tu le prétendais, il est bien plus légitime de renoncer à ta maîtresse pour ton fils dont la vie est en danger". Le raisonnement était de bonne méthode, solidement conduit, et il réussit à convaincre le père d'obéir à sa propre justice. Cependant Polyclès commença par se dire: „La demande était pénible, mais quand deux maux se présentent à notre choix il faut choisir le moindre".